09 avril 2019

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Blockchain : des opportunités et des erreurs à éviter

Yassir Karroute, fondateur de REDLab, est un expert des nouvelles technologies, passionné par la blockchain, mais surtout par ses applications de Distributed Ledger Technology (DLT), ou Registre distribué. Ce qui ne l’empêche pas d’en souligner les risques et le fait que toutes les entreprises n’ont pas vocation à s’y intéresser. En quoi la blockchain marque-t-elle une véritable évolution technologique en dehors du cadre des cryptomonnaies ? Yassir Karroute : Ce qui est particulièrement intéressant dans cette technologie, c’est sa structure distribuée. Le fait qu’une même information puisse être accessible à un certain nombre d’acteurs simultanément, avec une particularité : sa capacité à stocker des données de manière immuable. Ce qui ouvre la porte à un grand nombre d’applications potentielles. Par exemple ? Y.K. : Nous travaillons actuellement sur un projet international d’application permettant de gérer le copyright des photographies. C’est très compliqué aujourd’hui de s’assurer qu’une image, sur Internet, ne sera pas copiée et exploitée par quelqu’un d’autre, et finalement de prouver que l’on en est bien l’auteur. Or, on peut aujourd’hui la protéger grâce à une « empreinte » de celleci, incluant une information sur sa propriété, vérifiable par un grand nombre d’acteurs sans que personne ne soit en mesure de la changer. Mais le registre distribué peut également permettre de partager par exemple des titres de propriétés, en s’assurant qu’ils n’ont pas été modifiés. Même chose pour des contrats. D’où l’intérêt porté aux « smart contracts » ? Y.K. : Comme dans le cadre des registres distribués les données ne sont plus modifiables, que plus personne ne peut altérer une information, on peut en effet concevoir des « contrats intelligents », qui peuvent s’exécuter tout seul quand une condition est remplie. Axa l’a testé avec les indemnisations consécutives à un retard d’avion. Mais on peut imaginer beaucoup d’autres applications, par exemple couplées avec des objets connectés : si un colis s’affiche en géolocalisation à l’adresse de la personne qui l’a commandé, on peut enregistrer automatiquement un transfert de propriété. Le développement de la blockchain pourrait donc impacter de nombreuses professions ? Y.K. : En fait, tous les métiers de « tiers de confiance » : les notaires comme on l’a vu, les banques, les assurances… Mais aussi le métier d’auditeur, au moins dans sa partie liée à la vérification de l’information. Pourquoi vérifier une information dont on est certain qu’elle est exacte ? Tous les systèmes « centralisateurs » vont également être touchés. Comme les plateformes qui gèrent les échanges commerciaux entre particuliers. Les premiers à avoir bousculé les codes il y a quelques années, comme Uber ou AirBnB, vont eux-mêmes être « disruptés » via des mécanismes de gestion commerciale en peer to peer sans tiers de confiance. Comment se préparer à cette nouvelle révolution technologique ? Y.K. : En fait, il y a plusieurs erreurs à éviter. La première est de croire que parce que l’on a une information sécurisée à partager, on doit aller vers la blockchain. Alors que ce n’est pertinent que si l’on doit gérer une information qui doit conserver un caractère immuable. Dans le cas contraire, une base de données classique sécurisée est plus simple et plus efficace. L’autre sujet qui peut paraître inquiétant est de vouloir gérer des données personnelles, d’identité, via la blockchain. Certains pays s’y intéressent déjà, mais conserver des informations privées non modifiables sur des personnes pose un vrai problème. Yassir KARROUTE Fondateur de REDLAB1