27 novembre 2017

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Discrimination et harcèlement sexuel : des risques trop importants pour être négligés

Les habitués de ce blog savent qu’il a pour vocation de donner aux professionnels de l’audit interne des points de vue et des conseils sur leur pratique professionnelle et d’aider leurs organisations à atteindre leurs objectifs. C’est pour cette raison que mes posts les plus consultés sont ceux qui fournissent des conseils et des observations directs et pratiques sur le travail quotidien des auditeurs internes. Au fil des ans, les articles proposant des listes d’actions recommandées spécifiques se sont avérés les plus populaires. Cependant, je considère également nécessaire de couvrir, à l’occasion, certains évènements très médiatisés, en mettant l’accent sur la manière dont les risques qui leur sont associés pourraient affecter les organisations et donc l’audit interne. Pendant plusieurs semaines, je me suis interrogé sur la pertinence et la manière d’aborder ce sujet devenu tabou dans toutes les salles de conseil d’administration, à savoir le harcèlement sexuel. Alors que ce dernier existe depuis des décennies dans les organisations, s’imposant comme l’un des principaux risques liés à l’environnement de travail, sa présence invasive et souvent tolérée ne peut plus être ignorée. Les témoignages de femmes et d’hommes courageux ainsi que la campagne #MeToo sur les réseaux sociaux ont contribué à braquer les projecteurs sur ce problème. Le flot d’allégations contre des personnalités, allant de producteurs et d’acteurs hollywoodiens à des membres du Congrès américain ou à des candidats politiques, a suscité, comme jamais auparavant, l’indignation du public et incité encore plus de victimes à sortir du silence. Il s’agit clairement d’un risque que les organisations ne peuvent pas se permettre de négliger. La plupart disposent aujourd’hui de règles autour du harcèlement sexuel pouvant donner lieu à des formations obligatoires et à des révisions périodiques. Mais ces derniers, à l’instar des formations relatives à l’éthique et aux conflits d’intérêts, sont susceptibles de devenir des formalités. Il existe souvent des facteurs complexes et des personnes influentes qui ont le pouvoir d’atténuer ou de saper les règles les mieux intentionnées. Par exemple, une politique de tolérance zéro à l’égard du sexisme ou du harcèlement sexuel ne sera efficace que dans la mesure où son application est systématique. Si des exceptions sont tolérées, envers les dirigeants ou les collaborateurs très performants, la culture au sein de l’organisation n’aura plus rien à voir avec la politique énoncée. Comme l’a montré la campagne #MeToo, grâce aux réseaux sociaux, les personnes qui estiment avoir été harcelées sexuellement ont des outils puissants et faciles d’accès à leur disposition pour rendre publiques leurs expériences. Si elles n’ont aucune confiance dans les politiques qui visent à les protéger, elles trouveront d’autres moyens. L’approche de la direction en matière de prévention du harcèlement sexuel et la réponse donnée aux allégations peuvent grandement diverger des desideratas des conseils d’administration. Par exemple, lorsque la direction met en balance le coût des atteintes à la réputation et à l’image de marque avec des règlements en espèces et des accords de confidentialité, c’est en général la deuxième option qui prévaut. Dans de telles circonstances, il est probable que le conseil d’administration ignore le nombre d’accords conclus et ait, par conséquent, une vision faussée de l’ampleur du problème. Outre les risques associés à la mauvaise gestion d’un comportement clairement inapproprié, une organisation peut également céder à des biais plus subtils, pouvant la rendre vulnérable aux problématiques liées au genre. L’enquête Women in the Workplace 2017 a révélé des différences significatives dans la manière dont les hommes et les femmes se perçoivent sur leur lieu de travail. Par exemple, seuls 8 % des hommes affirment ne pas avoir obtenu une augmentation ou une promotion en raison de leur genre, contre 37 % chez les femmes. Selon cette même enquête, 15% des hommes pensent que leur genre fera obstacle à l’obtention d’une augmentation ou d’une promotion, contre 39 % des femmes. L’enquête, menée auprès de 70 000 collaborateurs dans 222 entreprises, a également mis en lumière des opinions troublantes concernant la représentation des femmes à des postes de direction. Près de 50 % des hommes interrogés pensent que les femmes sont bien représentées au niveau des directions des organisations, alors qu’uniquement un haut dirigeant sur dix est une femme. Un tiers des femmes font le même constat. Il est donc difficile de contester la conclusion du rapport qui dit qu’ « il est dur d’imaginer une vague de changement alors que de nombreux collaborateurs ne voient rien à redire au statu quo. » Face à des pratiques discriminatoires ou à du harcèlement sexuel, les auditeurs internes sont tenus de fournir à leurs organisations une assurance sur la manière dont les risques sont effectivement gérés. Cela peut impliquer d’aller creuser dans les pratiques du département des ressources humaines ou du directeur juridique. Les auditeurs internes entendront certainement la même rengaine, à savoir, qu’ils ne sont pas qualifiés pour évaluer la gestion des risques du département juridique ou des ressources humaines. Mais si ce n’est pas nous, alors qui ? Il est important pour les collaborateurs et les actionnaires de nos organisations que nous nous assurions que la direction prend en considération ces risques critiques et met en œuvre des dispositifs de contrôle qui protègent contre ceux qui discriminent ou s’en prennent aux plus vulnérables. Comme toujours, vos remarques sont les bienvenues. Richard Chambers Pour information Richard F. Chambers, Président et directeur général de l’IIA (Institute of Internal Auditors) publie chaque semaine sur son blog InternalAuditor.org un article sur les enjeux et les tendances concernant la profession d'audit interne.