16 mars 2020

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L'extra-financier au service de la confiance

L'extra-financier au service de la confiance

Ancien directeur financier de Nexans, Nicolas Badré est aujourd’hui directeur général « opérations » de Galileo Global Education France, leader européen de l’enseignement supérieur privé. Vingt-trois années passées au sein de grands groupes l’ont convaincu que la seule performance financière n’était plus suffisante pour assurer la transformation nécessaire des entreprises. Conviction confirmée par une étude qu’il a menée cette année avec l’IFACI.
« On avait souvent tendance à oublier que la mission première d’une entreprise était son objectif social et qu’elle ne devait pas se concentrer uniquement sur les contraintes financières, » affirme Nicolas Badré, « mais ces dernières années, il y a une vraie prise de conscience, qui s’élargit ». Comment les métiers de l’audit, du contrôle et de la finance peuvent-ils intégrer cette évolution ? « C’est un sujet qui me tenait à cœur et lorsque j’en ai parlé à Jean-Marie Pivard, Président de l’IFACI, il m’a encouragé à réaliser une étude sur l’appréhension de ce changement par les parties prenantes, internes et externes, de ces métiers ». Nicolas Badré a ainsi mené une trentaine d’interviews entre juin et septembre dernier, interrogeant des responsables de la DFCG (Association Nationale des Directeurs Financiers et de Contrôle de Gestion), de la CNCC (Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes), de l’AMF (Autorité des marchés financiers), de fonds d’investissements comme Sycomore Asset Management et d’agences de notation... Mais aussi des directeurs financiers, des responsables Environnement, Société et Gouvernance, des administrateurs et des cabinets d’audit. De son rapport de 30 pages, il ressort des lignes très fortes, qui confirment que la prise en compte des enjeux ESG change déjà en profondeur l’ensemble des métiers. « Des anciens modèles stratégiques, comme celui de Porter, deviennent obsolètes aujourd’hui : il est temps de repenser l’avantage concurrentiel de l’entreprise, en mettant au cœur de sa stratégie des modèles de création de valeur qui intègrent sa manière de répondre aux enjeux sociétaux : environnement, impact social, gouvernance sont de ce point de vue des leviers fantastiques ».
Les dix dernières années ont d’abord été marquées par une réponse règlementaire et légale, avec une demande croissante de reportings sociaux, environnementaux et de gouvernance. Il s’est agi d’identifier les risques, notamment de « non compliance ». Mais nous sommes selon lui passés à la « phase d’après » : « Aujourd’hui, nous sommes à un point de bascule : au-delà de la contrainte réglementaire, beaucoup d’entreprises ont intégré qu’elles ont un réel intérêt à repenser leur stratégie et leur mode de fonctionnement en profondeur en intégrant ces enjeux. Cela impacte positivement leur lien avec leurs clients, avec leurs partenaires... ». Mais il existe aussi une autre raison : la confiance envers les grandes sociétés s’est considérablement dégradée ces dernières années, et elles ont de plus en plus de difficulté à attirer les talents et donc à recruter si elles ne portent pas un message sociétal fort. « 40 % des jeunes diplômés de grandes écoles veulent créer leur entreprise, » confirme Nicolas Badré, « et si les entreprises veulent les convaincre de les rejoindre, elles ne doivent pas se contenter de discours. Elles doivent faire ce qu’elles annoncent ». Et ce phénomène ne concerne pas que les millenials, toutes les générations sont touchées.
Par où commencer ? « Il y a plusieurs dimensions à maîtriser, » reprend Nicolas Badré, « son écosystème, la gestion de l’information, ses données (pas seulement financières)... Mais les enjeux de gouvernance sont ressortis de ces entretiens comme un des éléments essentiels. Les conseils d’administration sont les garants de la performance de l’entreprise, mais certains sont encore en retard dans leur réflexion liée à l’extra-financier et raisonnent encore en silos alors qu’il est nécessaire d’avoir une vision transversale. Et enfin, il faut aussi savoir créer de la confiance par rapprochement avec ses parties prenantes : elle met du temps à se construire et très peu de temps à disparaître ».