13 avril 2016

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Pour une véritable protection des lanceurs d’alertes

La dernière version du projet de loi Sapin 2 qui a été présentée le 30 mars 2016 prévoit de réformer le droit des lanceurs d’alertes. Ce document comprend en effet diverses dispositions dont:
  • la possibilité pour les lanceurs d’alertes de s’informer sur leur protection juridique,
  • l’anonymisation des signalements,
  • le financement des frais de protection juridique engagés « pour faire valoir leurs droits en cas de sanction prononcée contre eux ou leur permettre de se défendre en cas de poursuite pour dénonciation ».
Le projet de loi évoque par ailleurs une protection spécifique pour les alertes relatives au secteur financier. Si l’on met de côté le fait que ces diverses mesures semblent venir s’ajouter à un cadre juridique déjà fortement complexe (voir : http://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/20160330_dp_pjl_sapin2.pdf#page=17) et que l’on a un peu du mal à en comprendre les contours (par exemple pourquoi remonter des alertes à une agence de lutte contre la corruption quand les faits identifiés ne correspondent pas à ce délit?), je suis surtout convaincu que ces nouvelles dispositions ne régleront absolument pas la question du futur professionnel des lanceurs d'alerte. Toutes les études effectuées sur ce sujet délicat en arrivent effectivement à la même conclusion : les lanceurs d’alertes ont un avenir professionnel très fortement compromis (« placardisation », licenciement, impossibilité de retrouver du travail…). Si la loi va sans doute permettre de limiter le risque de poursuites judiciaires à leur égard (pour abus de confiance, recel d’informations confidentielles, diffamation…), elle ne traite absolument pas la question de leur mise à l’écart durable du monde professionnel. Bien conscient de ce problème, les américains ont depuis plusieurs années, avec le pragmatisme qui les caractérise, décidé de rémunérer très significativement ceux qui « se tirent une balle dans le pied » (voir le site de la SEC : https://www.sec.gov/about/offices/owb/owb-final-orders.shtml, certaines compensations ont atteint plusieurs millions de dollars). Alors qu’un un tel dispositif n’est pour l’heure pas envisagé en France, il serait intéressant qu’il soit a minima abordé dans le débat public, au même titre que le statut de « salarié protégé » dont pourrait bénéficier certaines fonctions (dont les DAI) au même titre que les représentants du personnel[1]. Si le conseil d’état vient d’émettre un rapport dont la proposition principale consiste à définir un socle réglementaire commun à la protection des lanceurs d’alertes[2], il me semble que la majorité des solutions qui y sont proposées sont plus « politiques » que pragmatiques et n’auront aucun impact sur la protection de ceux qui visent avant tout à protéger l’intérêt social de leur entreprise. [1] Pour les établissements financiers, une procédure de licenciement spécifique impliquant le conseil a été adoptée pour le responsable des risques. [2] http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/04/13/le-conseil-d-etat-plaide-pour-une-meilleure-protection-des-lanceurs-d-alerte_4901086_3224.html